[caption id="attachment_5464" align="alignnone" width="600"] Photo d'illustration DR[/caption]
Cette bourgade insulaire perdra bientôt son seul médecin, qui songe à la retraite. Mais trouver quelqu’un pour le remplacer s’avère compliqué, tant les conditions pour exercer sont rudes.
Son arrivée en 2014 avait soulagé les habitants de l’île d’Aix, qui cherchaient un médecin généraliste. Trois ans plus tard, François Laprade, 69 ans cet été, songe à prendre enfin sa retraite. Mais le seul médecin de l’île refuse de quitter son poste sans avoir trouvé son successeur. "Cette île m’a accueilli, j’ai le devoir de trouver quelqu’un. Je resterai quelques mois ou semestres supplémentaires", assure-t-il.
C’est là que ça se complique : trouver un médecin qui veuille bien exercer sur l’île d’Aix est un défi. "Un généraliste ne peut pas manger. On a 150 malades potentiels sur l’île l’hiver, d’octobre à juin, c’est tout. Il faut 2 000 clients pour vivre", souligne François Laprade. Pour lui, l’idéal serait d’être retraité, de toucher sa pension et d’exercer en plus.
Faire le SAMU
Mais le revenu ne fait pas tout : pour être un bon médecin sur l’île d’Aix, il faut surtout être polyvalent. "On touche à tout, il faut être habitué à tout comme les urgences", insiste celui qui est aussi médecin urgentiste. Il faut par exemple assurer les gardes du SAMU, car l’île est difficile d’accès. "On est la seule vraie île du département. Pour venir, c’est soit le bateau en 20 minutes, soit en hélicoptère. Puis il faut transporter la personne à l’hôpital de Rochefort ou La Rochelle à ma demande. On n’a pas de pont pour que les pompiers interviennent rapidement, comme Oléron ou Ré".
Il ne faut pas non plus négliger le problème de la solitude. "L’hiver, il n’y a que quatre bacs, il faut être patient", indique François Laprade. Mais tout dépend de la façon de le voir : la solitude peut surtout être un gage de tranquillité.
Vite, une infirmière pour cet été !
Mais le plus important pour le docteur Laprade est de trouver une infirmière pour cet été. "On a trois personnes très très dépendantes, et le reste relativement dépendant. 30 % de la population a plus de 80 ans, on aura un troisième bébé en juillet et l’école n’a jamais eu autant d’enfants, 17 aujourd’hui", détaille le médecin.
Le maire de l’île d’Aix est on ne peut plus d’accord : "La CPAM indemnise le médecin pour chaque nuit qu’il passe sur l’île, mais pas les personnels infirmiers. On négocie avec l’Agence régionale de santé, et on est proches d’aboutir. Ça faciliterait aussi l’installation d’un médecin". Une pétition a d’ailleurs été lancée par une habitante pour trouver une infirmière cet été, relayée dans plusieurs départements sur les réseaux sociaux.
Ce problème concerne aussi les zones rurales de la Charente-Maritime, touchée par la désertification médicale. Existe-il des solutions pour l’endiguer ?
Pétition : http://www.change.org/p/stephanie-peronne-l-île-d-aix-un-paradis-sur-terre-ou-un-désert-médical
[caption id="attachment_5449" align="alignnone" width="630"] La Charente-Maritime compte une quinzaine de maisons de santé dont celle de Muron[/caption]
Les maisons de santé, la solution ?
Pour attirer les médecins dans les milieux ruraux désertés, faut-il construire davantage de maisons de santé ? Oui… et non. C’est surtout dans l’est et le sud de la Charente-Maritime que les médecins se font rares. Les jeunes généralistes préfèrent en effet s’installer en ville ou à proximité, et pas en milieu rural où ils seront seuls.
Alors pour les regrouper avec d’autres professionnels de santé, faut-il construire davantage de maisons de santé ? Pour Corinne Imbert, 1re vice-présidente du Département, c’est non : "Ce ne sont pas les murs qui soignent", assène-t-elle. "C’est un bon outil, mais il faut que ce soit un projet monté par les professionnels de santé, pas les élus. Il faut qu’ils travaillent ensemble".
Des propos que Pascal Chauvet, président de l’association des maisons de santé 17, approuve : "Avoir des murs communs est une plus-value, mais ce n’est pas obligatoire : on peut très bien faire une maison de santé avec une équipe pluridisciplinaire dans plusieurs communes".
Mais il relativise : "Il aurait fallu agir dès les années 2000 pour augmenter le numerus clausus (nombre d’étudiants en médecine, NDLR) et en agissant sur la liberté d’installation. Les jeunes veulent travailler 35 heures : il faut deux jeunes pour remplacer un ancien médecin qui travaillait 70 heures".
La Charente-Maritime compte une bonne quinzaine de maisons de santé, et l’État souhaite en construire 2000 nouvelles en France d’ici cinq ans. Mais pour Pascal Chauvet, elles constituent "une solution, pas la solution".
Des sous pour installer des jeunes dans les déserts
L’autre solution avancée par le Département, c’est le porte-monnaie. Il cible en effet des internes en médecine et leur offre une bourse de 42 000 € sur trois ans pour financer leurs études, en échange de quoi ces jeunes doivent exercer pendant quatre ans dans l’une des zones désertes de la Charente-Maritime, au choix.
"On ne lui demande pas de trouver un point de chute trois ou quatre ans avant, on lui laisse le temps de construire son projet", souligne Corinne Imbert. Pour bénéficier de cette bourse, il suffit de contacter le Département.
Pour les médecins, il faut une solution a long terme
Pour le conseil de l’ordre des médecins, toutes ces solutions ne sont que du "plâtrage", des réponses à court terme. Interrogés lors d’une grande enquête il y a deux ans, les médecins ont publié une liste de 10 propositions pour lutter contre les déserts médicaux d’ici 10 à 20 ans, mais de manière efficace.
Ils souhaitent entre autres améliorer leur rémunération et le système social, simplifier les démarches et aller plus loin dans la coopération avec les autres professionnels de la santé. Ils veulent également réformer le numerus clausus et renforcer la professionnalisation des étudiants.
Le choix de L'HEBDO : Aix à la recherche d'un médecin
Actualités. Cette bourgade insulaire perdra bientôt son seul médecin, qui songe à la retraite. Mais trouver quelqu’un pour le remplacer s’avère compliqué, tant les conditions pour exercer sont rudes.
Publié le 29/06/2017 à 07h00
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