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Rencontre avec Yann Cariou, commandant de l'Hermione

Sport et Loisirs​. Après 18 ans de travail, l’association Hermione-La Fayette a fait revivre cette « formule un » des mers, comme la qualifie Yann Cariou son commandant. À la veille du largage des amarres, ce marin aguerri raconte dans nos colonnes le « voyage fantastique » qui l’attend.

Rencontre avec Yann Cariou, commandant de l'Hermione
[caption id="attachment_749" align="alignnone" width="630"]Yann Cariou, commandant de L’Hermione. Yann Cariou, commandant de L’Hermione.[/caption]

Après 18 ans de travail, l’association Hermione-La Fayette a fait revivre cette « formule un » des mers, comme la qualifie Yann Cariou son commandant. À la veille du largage des amarres, ce marin aguerri raconte dans nos colonnes le « voyage fantastique » qui l’attend.

Yann Cariou, pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous nous parler de vous ? J’ai une carrière maritime. J’ai commencé à naviguer très tôt. J’ai fait une première carrière dans la marine nationale, dont sept ans sur les grands voiliers écoles. Puis, j’ai passé un brevet de capitaine de marine marchande et, tout de suite, j’ai commandé le Belem pendant trois ans. C’était un vieux rêve d’enfance, j’avais participé au rachat du Belem en 1979. C’était un très beau projet, et j’ai fini par naviguer à bord. J’étais membre adhérent de l’association Hermione depuis longtemps et suivais le projet. À l’occasion d’une escale à Rochefort avec le Belem, j’ai repris contact avec l’association qui, rapidement, m’a proposé d’entrer dans le collège des experts, qui a été créé. Ils venaient de finir la coque et attaquaient la construction du pont, gréement, mâture, cordage, voiles, ancres… On entrait dans la partie purement maritime. De fil en aiguille, un jour, on m’a proposé de commander le bateau. J’ai accepté.

La décision a-t-elle été facile à prendre ? J’ai mis plus de six mois pour me décider. C’est un tel challenge, car un navire comme ça, c’est tellement compliqué. Le Belem, à côté, c’est facile.

Qu’est-ce qui rend l’Hermione plus compliquée ? C’est un navire en bois du XVIIe siècle, qui était déjà difficile à maîtriser à l’époque. On retrouve des écrits sur le sujet. Il était difficile à maîtriser, malgré les 200 marins aguerris et chevronnés qui étaient à bord. Donc 230 ans plus tard, on doit refaire la même chose avec un bateau qu’on ne connaît pas, que personne n’a jamais vu naviguer, un navire particulièrement performant, très pointu, très exigeant, très difficile, très physique. Et le faire naviguer avec deux fois moins de personnes, et beaucoup moins professionnelles. C’est un gros challenge à relever et, au niveau responsabilité, c’est énorme. Vous avez 80 personnes exposées aux risques de monter dans la mature, de jour comme de nuit, avec des cordages avec des tonnes de traction dessus. Tout est dangereux ici. Il n’y avait pas beaucoup de candidats pour prendre ma place, ça ne pousse pas derrière ! J’ai été formé de la façon suivante : si on fait quelque chose, on le fait parfaitement ou on ne le fait pas. Dans la marine, c’est très exigeant. Les conséquences sont tout de suite graves. Donc, on est condamné à réussir tout le temps. Il fallait être sûr de pouvoir y arriver.

Comment vous êtes-vous préparé ? Quand j’ai pris ma décision, j’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté. C’est pourquoi j’ai pris beaucoup de temps. J’ai demandé à intégrer le projet deux à trois ans avant le départ, pour connaître le bateau à fond, de la quille à la pointe du mat comme on dit. Avoir le temps de préparer la navigation en recherchant des écrits et des informations sur la façon de fonctionner du navire. On ne m’a pas donné de mode d’emploi. C’était à moi de le faire. Ce sont des techniques que l’on a perdues. Il fallait tout savoir pour pouvoir partir en sécurité et ne pas le faire avec 90 % de préparation. Dès que vous êtes en mer avec un navire comme celui-là, il faut pouvoir faire face à toutes les situations.

Avez-vous réussi à voir à peu près toutes les situations possibles ou reste-t-il encore une part d’imprévu ? Il faut surtout éviter de se retrouver en situation d’urgence où on peut être surpris. Lors des précédentes sorties, nous avons eu sept coups de vent en six semaines. On était un peu tout de suite dans le bain.

Et comment réagit le bateau ? Parfaitement, il est fait pour. Mais le bateau sans les hommes… Il faut donner les ordres au bon moment. Mais là, on était en formation, en même temps que l’entraînement. On a fait naviguer nos 160 volontaires par rotation de 15 jours, 10 jours certains. Il a fallu former les différentes équipes et continuer à nous former : apprendre le navire, découvrir ses faiblesses…

Vous n’étiez que sur de la théorie avant les essais ? Oui, mais heureusement avec une expérience maritime solide derrière moi, qui m’a donné confiance. C’est pourquoi je voulais tout savoir sur le bateau, qu’il n’y ait pas de zone d’ombre pour pouvoir faire face à l’imprévu. Quand on est commandant, on prend des décisions en quelques secondes. Si on ne donne pas les bons ordres… On est en vigilance permanente, et on doit être très réactif.

Avez-vous été surpris par une situation lors des essais en mer ? Une fois par un grain qui n’était pas prévu du tout par la météo. On avait un vent établi de 17-18 nœuds. À un moment, j’étais occupé en bas avec un problème de liaison radio avec un sémaphore, et je n’ai pas vu le grain arriver. L’officier de quart non plus. C’est monté à 42 nœuds en quelques minutes. On avait dépassé la limite. Le bateau a commencé à engager sur tribord avec une gîte malsaine et un enfoncement du navire. Le danger était la grand-voile, les mats ne cassent pas. Heureusement, je l’avais lu lors de mes recherches. J’ai senti le danger arriver, c’est presque instinctif. On a une procédure, ici, c’est une alarme grâce à laquelle on a tout le monde sur le pont. Elle n’a servi que cette fois-là. Tout le monde est arrivé très vite. Il faut savoir quelle voile, c’était dans ce cas la grand-voile, et en carguant sous le vent d’abord, c’est ça l’astuce.

D’où l’importance de votre préparation… Oui, ça, on ne peut pas l’inventer. Quand ça arrive, vous n’avez que quelques secondes, vous avez 80 regards vers vous qui attendent vos ordres. Et il faut donner très vite les bons ordres, parce que les équipes partent et on ne peut plus revenir en arrière. En deux minutes, la grand-voile était carguée. ça m’a rassuré aussi sur la réaction de l’équipage et sur l’équipage professionnel qui encadre les volontaires. Tout repose sur eux. Moi, tout seul, je ne fais rien. J’ai pris les meilleurs !

À quelques jours du départ, comment vous sentez-vous ? Serein. La navigation a été riche en enseignement. J’ai appris plein de choses. J’ai un cahier d’observation où je note tout. En fait, ce qu’on a fait à l’automne, était plus difficile que ce qu’on va faire. En automne, on a eu les coups de vents dans le golfe de Gascogne. Et l’ouest Bretagne, la mer d’Iroise et la Manche quand vous naviguez là-dedans… C’est un des endroits les plus périlleux en Europe, c’est là où se trouvent les plus forts courants auxquels vous ajoutez des cailloux partout, des dangers, des cheneaux étroits, un trafic maritime très important avec le commerce et la pêche, des coups de vent soudains… C’est dans cette zone qu’on apprend. C’est pourquoi tous les centres de formation de la marine sont là-bas. Qui peut le plus, peut le moins. Quand vous avez appris là-bas, vous pouvez aller partout dans le monde. C’était très difficile, on était proches de la côte. Le danger en mer, c’est la terre. Quand vous êtes au large, vous avez de la place.

Passerez-vous par des zones plus délicates ? La partie le plus difficile sera sans doute la côte Est des États-Unis, dans la mesure où on sera proche de la terre. Et il pourra y avoir des orages, c’est terrible, car ils ne sont pas tellement prévisibles, et ils débordent sur la mer. Il faut réagir vite. C’est, en plus, un endroit que je ne connais pas, avec une météo que je ne connais pas. J’ai travaillé sur les guides nautiques, mais ils sont très généraux. ça ne remplace pas l’expérience sur place.

Finalement, la pleine mer ne vous inquiète pas ? Pas du tout. L’Atlantique, c’est facile. C’est une autoroute. À part la météo, il n’y a pas de danger. dans l’alizé, c’est assez régulier. Après, il y a toujours une vigilance permanente à avoir.

Quelle sera la journée type de l’équipage durant la traversée ? En mer, c’est très rythmé sur un bateau comme ça. On fait les 3/8. Il y aura trois équipes, qui s’appellent un tiers, qui se relaient tribord, bâbord, milieu par quarts. Elles font donc 4  heures chacune. Ceux qui font de minuit à 4 h, récupèrent le matin… après il y a les repas, un à 11 h pour ceux qui prennent à midi et un autre à midi, puis 19 h et 20 h De temps en temps, il y a un exercice “homme à la mer “avec le zodiac, qui doit être mis à l’eau en moins de trois minutes. L’exercice incendie. Plus les manœuvres sur le pont. L’entretien, les réparations éventuelles, les changements de cordage… On n’arrête jamais en mer et, pour les gens, ça passe assez vite, parce qu’il y a ce rythme assez cadencé.

Vous pensez traverser l’Atlantique en combien de temps ? Pour l’instant, on a établi un programme pour arriver à Yorktown le 4  juin (N.D.L.R., départ prévu le 18  avril), donc on a pris de la marge avec une moyenne classique pour les grands voiliers. Il a fallu caler les dates deux ans avant le départ, alors qu’on ne connaissait pas encore l’Hermione. À l’époque, ils partaient quand les conditions étaient bonnes, parfois ils devaient attendre cinq à six jours, et ils arrivaient, quand ils arrivaient. C’était le bonheur ! C’est un rêve de faire ça ! Non, deux ans avant, on vous dit, il faut arriver tel jour à telle heure, comme un train ! (N.D.L.R., Yann Cariou lance ces dernières phrases en riant). On a pris de la marge, on devrait arriver avec beaucoup d’avance. Mais il se peut aussi qu’on ait des vents contraires, nuls ou faibles. On ne peut pas le savoir, ça dépend de trop de facteurs. Le principe est de faire route au maximum quand on quitte le port. On ralentit à la fin.

L’Hermione est-il un bateau très rapide ? Oui, il va deux fois plus vite que le Belem. C’est une “formule un“. On va à 10-12 nœuds. C’est une bête de course du XVIIe de 1 000 tonnes. C’est un bateau très pointu, qui demande une vigilance, une surveillance et une adaptation permanente. Il faut pratiquement adapter la voilure tous les 2 nœuds devant. On est souvent surtoilé ou sous-toilé, on ne peut pas coller en permanence. C’est ce qu’ils faisaient autrefois, ils épuisaient les gars. Aujourd’hui, on ne peut pas. Les frégates étaient faites pour la haute mer. C’était les bateaux des grandes découvertes, comme celles de La Pérouse. C’étaient des bateaux qui passaient le Cap Horn l’hiver. Ils sont faits pour ça. Il faut faire attention à la voilure. Mais, l’avantage que l’on a, c’est que nous avons la météo aujourd’hui. J’utilise six sources d’informations que je recoupe en permanence. Et dès qu’on a un doute, on adapte la voilure, on se prépare.

Comment imaginez-vous l’accueil que vous aurez aux États-Unis ? Les gens vont sans doute être un peu surpris. Cela dépendra de ce qui aura été dit dans les médias. Je pense que l’arrivée à Yorktown va déclencher quelque chose. Il suffit que sur Fox News on ne voie pas un attentat majeur dans le coin venir nous casser l’info ! Les gens vont découvrir l’Hermione et tout le contexte historique. Ensuite, il y aura de grandes escales comme à Philadelphie, Washington, Baltimore, Boston, New York, avec une grande parade sur l’Hudson River. Je pense qu’on va créer l’événement une fois sur place, en touchant à la fibre historique. ça va être un voyage fantastique. Une sacrée expérience pour les jeunes qui embarquent.

Si vous avez raté notre édition spéciale pour le grand départ de L'Hermione du jeudi 9 avril (2 pages de photos, 1 poster dédicacé du commandant, récapitulatif des dates clés de la frégate...), ce numéro est toujours en vente dans nos locaux au 7, rue Paul-Bert à Surgères. Renseignements au 05 16 19 43 05.

[caption id="attachment_750" align="alignnone" width="630"]L’Hermione larguera les amarres le 18 avril pour rallier Yorktown. L’Hermione larguera les amarres le 18  avril pour rallier Yorktown.[/caption] Revivez en image et en musique la fête des voiles du samedi 17 mai 2014 et la première sortie en mer de l'Hermione du dimanche 7 septembre 2014...  

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