C’est une situation bien kafkaïenne à laquelle la commune de Tonnay-Charente est confrontée : elle est épinglée par l’Etat pour non-respect du quota de logements sociaux sur son territoire, sans pouvoir y répondre.
Le maire, Eric Authiat, ne décolère pas devant cette situation et compte bien aller déployer tous les moyens possibles pour qu’elle évolue, bien qu’il se heurte à une affaire plus qu’ubuesque. La ville se voit amputée de 70 000 € sur ses dotations de fonctionnement versées par l’Etat car elle ne respecte pas le quota de logements sociaux sur son territoire. Jusque-là tout va bien, la loi SRU est respectée puisque Tonnay-Charente doit afficher 20 % de logements sociaux. Le souci est que la commune est soumise à la loi littoral qui interdit la construction diffuse. Le centre-ville de la commune est aussi impacté par un PPRN submersion (plan de prévention des risques naturels) lui interdisant d’apporter une nouvelle population ou un surplus de population par rapport à l’existant. Le maire explique : « En centre-ville, si on avait la possibilité d’utiliser un bâtiment existant à l’intérieur duquel un couple réside, mais voudrait diviser son bien en plusieurs logements, la loi l’empêcherait. Vous avez deux habitants, vous ne pouvez pas en avoir plus. »
Les bailleurs sociaux « pas intéressés » De plus, Eric Authiat a contacté 13 bailleurs sociaux en leur proposant de leur mettre gracieusement à disposition du foncier pour des projets excentrés du centre-ville : « En tout et pour tout, j’ai eu 4 réponses négatives, Tonnay-Charente ne les intéressant pas. Les autres ne se sont même pas donné la peine de répondre », confie l’édile.
A ce jour, il manque 477 logements sociaux sur la commune qui en possède 265, « nous nous retrouvons face à un challenge énorme », lance Eric Authiat qui précise que la municipalité n’a pas non plus vocation « à porter les actions nouvelles selon les dires de la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer). Donc, il faut passer par un bailleur social. Et si les bailleurs sociaux ne veulent pas venir chez nous, comment fait-on ? ».
De plus, la ville a jsuqi’ici enregistré 120 demandes de logements sociaux par des particuliers : « A partir d’un moment, on va construire des logements qui seront vides puisqu’on n’aura pas de quoi les remplir. Qu’elle est la pertinence ? », s’interroge à nouveau le maire.
Plaider la cause au ministère du Logement La municipalité a décidé d’agir. Le premier adjoint de la ville, Sébastien Bourbigot, et l’attaché parlementaire du sénateur Bernard Lalande, sont allés plaider la cause de Tonnay-Charente au ministère du Logement, auprès des services de Sylvia Pinel, en octobre dernier. Le maire et son premier adjoint ont aussi été de la visite du délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, Thierry Repentin, le 18 janvier à La Rochelle (lire ci-dessous) : « Il nous a reçus avec le préfet. Il n’a pas la solution. Il nous a dit qu’il était face à un cas particulier et qu’il se réservait le droit d’attendre avant de nous donner une réponse officielle. Mais il ne comprend pas pourquoi les bailleurs sociaux ne veulent pas venir. Je pense qu’il va les interpeller », commente Eric Authiat.
Malgré cette réponse, le maire reste inquiet notamment face aux constructions de logements qui se font sur Tonnay-Charente : « Chaque année, nous avons 25 constructions de logements. On peut imaginer que dans les 30 ans à venir on ne va faire que du logement social. Et dans la légalité, c’est impossible. On ne pourra pas empêcher quelqu’un de vouloir construire une maison. A moins que l’Etat ne nous applique une carence qui n’existe que sur deux communes en Charente-Maritime, Saint-Palais et Vaux-sur-Mer, et c’est le préfet qui peut porter les opérations en préemptant les ventes de logements et en faisant porter le projet de logement social par la commune. »
Actuellement, trois promoteurs ont des projets sur Tonnay-Charente, qui prévoient une partie en logements sociaux, mais on est loin du compte demandé par l’Etat. Malgré tout, pour récupérer le retard de la ville dans ce domaine, la municipalité impose pour toute opération de construction collective l’obligation de la construction de 33 % de logements sociaux dans son plan local d’urbanisme : « Sur un lotissement traditionnel, le porteur du projet va réserver de quoi réaliser les 33 % de logements sociaux, mais il ne les construira pas. La Loi ne lui impose pas l’obligation de les construire. Ce sont les bailleurs sociaux qui doivent le faire. »
Une situation que le maire juge « difficile à admettre ». Quoi qu’il en soit, la pénalité de 70 000 euros continuera à s’appliquer chaque année tant que le quota de logements sociaux ne sera pas atteint. « C’est insupportable », selon Eric Authiat, qui estime qu’« une loi inadaptée et mal rédigée peut être amendée. »
Carine Fernandez
[caption id="attachment_2595" align="alignnone" width="630"] Eric Authiat : « Une loi inadaptée et mal rédigée peut être amendée. »[/caption]Les communes soumises à la loi SRU
L’article 55 de la loi SRU instaure un seuil minimal de 20 % de logements sociaux à atteindre dans certaines communes. Sont concernées, les communes qui comptent au moins 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France), et qui sont situées dans une agglomération où un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d’au moins 50 000 habitants, comptant une ville de plus de 15 000 habitants. La loi du 18 janvier 2013 a étendu cette obligation aux communes dites “isolées“, c’est-à-dire n’appartenant pas aux agglomérations ou EPCI définis ci-dessus, mais qui ont plus de 15 000 habitants et qui sont en croissance démographique.
Cette même loi a par ailleurs porté le taux légal de 20 à 25 % dans les secteurs qui nécessitent une production de logements sociaux supplémentaires. Ce taux doit être atteint en 2025.
(Source Ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité)
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