C’est en fin de journée du vendredi 26 août, à la chaleur déclinante, que les opposants à la destruction de l’église se sont réunis.
Un véritable exercice de démocratie à ciel ouvert où la parole circule entre les 70 personnes assises en rond pour débattre de l’avenir de la maison divine.
« Certes elle est ici depuis longtemps, 800 ans peut-être, mais fut tellement remaniée voire reconstruite qu’elle ne présente qu’un intérêt historique très relatif ; d’ailleurs elle n’est ni inscrite ni classée. Les modillons et autres attributs architecturaux de sa romanité ont presque tous disparu », constate à voix basse un érudit. Sur la porte est punaisé le sinistre arrêté constatant l’état de péril et portant interdiction d’entrer dans les lieux. Lorsqu’on s’enquiert de savoir s’il serait possible de visiter l’intérieur, un opposant répond : « Le maire est seul détenteur de la clef et sous prétexte de sécurité ne la remet à personne, surtout pas à la presse ! » Voilà, tout est dit.
Marc Pimbert et Tony Roux, habitants tout près de l’édifice, se relaient pour exposer les « moyens de lutte », proposant une pétition dont chacun des signataires sera membre de l’association de défense de l’église qui sera prochainement créée. « Nous avons invité monsieur le maire (NDLR Roland Nazet) mais il avait, paraît-il, pris d’autres engagements ; cependant nous avons parmi nous la première adjointe qui nous apportera des précisions. »
Nadia Barbeyrol prend courageusement la parole : « Je dois faire la part des choses entre mon opinion personnelle et l’intérêt public : la commune comprend trois églises : Sainte Radegonde, isolée en plein champs, Saint Saturnin où nous nous trouvons et celle de Courant dont la toiture doit être refaite. Notre modeste budget et les baisses de dotation ne nous permettent pas de toutes les entretenir et les rénover ; à titre personnel je suis attristée du projet de démolition mais en qualité d’élue je dois me rendre à l’évidence, nous n’avons pas les moyens. »
« Choix arbitraire de la municipalité » Les propos lucides et réfléchis sont battus en brèche par Bénédicte Thibaud et sa sœur Bernadette, par ailleurs avocate au barreau d’Angoulême, qui, dans une envolée verbale, dénonce « le choix arbitraire sans concertation fait par la municipalité ; vous n’avez même pas cherché à la protéger pendant toutes ces années ». Sous-entendant que le défaut d’entretien était volontaire. « Quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage », persifle un opposant.
Sans doute une information publique eut été bienvenue avant de décider la démolition, mais il faut rappeler à la juriste charentaise que la municipalité a été élue pour prendre des décisions. Un opposant dit aussi que « depuis des décennies les élus sont très anticléricaux et que l’entretien des églises était secondaire ; et puis plus personne ne va à l’église depuis bien longtemps ». En somme, la messe est dite.
Une jeune femme brune née au village avance une doctrine : « De toute façon Ligueuil est toujours passé après Courant ; c’est le parent pauvre ». Etonnant propos témoignant d’une vieille rivalité qui subsisterait… depuis 1825, date de la fusion forcée des deux communes ! Il y a des rancunes tenaces.
L’ambiance s’adoucit quand Marc Pimbert présente François Hagnéré, délégué régional de l’association Urgences Patrimoine, spécialisée dans la sauvegarde des monuments en péril : « Aux termes d’une convention, nous aidons au diagnostic, à la rédaction d’un dossier de presse, au mécénat, à l’appel aux dons ou à l’organisation de concerts et de parrainages. Nous mettons en place un plan de chantier et de financement. » L’espoir semble renaître. Les habitants de Ligueuil se mobilisent pour sauver leur église de la démolition. Comme si la conservation de notre patrimoine et de ses vieux murs pouvait être, en période trouble, un thème rassembleur et rassurant, constitutif d’un lien social retrouvé.
Pour adhérer ou faire un don, contacter Tony Roux au 06 50 05 34 29
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