Ouistitis, Tamarins, Capucins… C’est au rythme des primates que la vie professionnelle de Janick Fetard s’égraine au zoo de La Palmyre depuis 25 ans.
Soigneur animalier au zoo de La Palmyre, Janick Fetard, 55 ans, dévoue sa vie au bien être des animaux et des primates en particulier. Un métier exigeant qui le comble parfaitement. C’est au milieu des causeries de ses protégés que l’interview s’est déroulée, un dépaysement qui le transporte chaque jour.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler au zoo, au milieu des animaux ? Un peu comme Obélix, je suis tombé dedans tout petit. Enfant, je ramenais des tas d’animaux chez moi au grand désespoir de ma mère. Après, j’ai fait comme tout le monde et j’ai trouvé un boulot pour vivre. Mais ça me trottait dans la tête. Chaque saison, j’envoyais une lettre de motivation au zoo. J’ai eu des réponses négatives pendant 6 ans. La septième année, j’y suis allé au culot. Je suis allé voir le directeur du parc qui était à l’époque maire des Mathes. Il m’a reçu, on a discuté pendant une bonne heure et demi. Et ça fait 25 ans que je suis ici maintenant.
C’est vous qui avez choisi le secteur des primates ? Pas vraiment. Au départ, mes animaux de prédilection étaient plutôt les fauves et les reptiles. J’ai commencé à être itinérant pendant deux ans, comme tous ceux qui intègrent le zoo, puis je suis arrivé aux primates. Et je suis entièrement satisfait. Ce sont des animaux très agréables, c’est enrichissant de les découvrir. Je m’éclate pleinement ici, et pour rien au monde je ne changerais de secteur et j’espère y rester jusqu’à la fin de ma carrière.
Quelle est la particularité de s’occuper des primates par rapport aux autres animaux ? On n’a pas le temps de s’ennuyer avec eux ! Ils sont un peu plus intelligents que la moyenne des autres animaux. Donc forcément il faut toujours être vigilant et à l’écoute. Il y a beaucoup de surveillance. Ils sont drôles aussi, donc on en profite car on passe des journées entières avec eux.
Avez-vous de réelles interactions avec les animaux dont vous vous occupez ? Oui, mais les interactions ne sont pas celles que les gens peuvent s’imaginer, comme les prendre dans les bras, faire des bisous et des câlins, parce qu’il y a un revers de médaille. Maintenant on le sait bien, on évite toute imprégnation. En ce moment, j’ai une petite femelle Callimico Goeldi, qu’on a appelée Calli. On l’a élevé à la main parce que ses parents s’en sont désintéressés. On ne la touche pratiquement jamais. Elle est toujours accrochée à une peluche. Quand elle a besoin d’une tétée on prend la peluche sans toucher au singe. J’ai fait du medical training et maintenant elle vient seule sur la balance pour la pesée. Depuis 25 ans que je suis là, il y a très peu d’exceptions où tout se passe bien après avoir imprégné un animal. Hiérarchiquement, il faut être au-dessus du dominant.
Qu’est-ce qui se passe si l’animal est imprégné ? Un animal imprégné n’a aucune crainte de vous. Quand il arrive à maturité sexuelle, son comportement change et il vous attaque comme il le ferait avec un de ses congénères. Ce sont de petits animaux qui peuvent devenir très agressif et après ce n’est plus gérable. C’est pour leur confort et le nôtre. Et avec un grand singe vous risquez votre vie. Je vais vous avouer qu’il y a eu deux exceptions dans ma carrière, mais c’est deux sur 25 ans.
Comment apprend-on à un animal à répondre au médical training ? Avec des récompenses, souvent de la nourriture. Il faut être patient mais ça paye pour les peser, leur faire prendre des médicaments. ça évite de les capturer, et donc de les stresser et de stresser tous les autres autour.
Ces singes sont-ils facilement stressés ? Oui et ça peut agir sur leur santé parce qu’un animal malade qui est en plus stressé, pour certains ça peut être radical.
Vous nous parliez de Calli, la jeune femelle Goeldi, quelle est son histoire ? Quand elle est née, en juin, sa mère l’a posée sur le nid et elle est partie. On ne sait pas trop pourquoi. Est-ce une “mauvaise mère” ? Est-ce un manque de lait ? Ou le manque d’expérience ? Chez les singes, il faut un certain apprentissage. S’ils n’ont pas été élevés dans des groupes, c’est compliqué. Là, c’était son premier bébé, on verra comment ça se passera pour le suivant. Calli a été élevée à la nurserie. On sait qu’il faut un rapprochement le plus vite possible avec les parents, donc la couveuse a rapidement été mise dans leur cage. La nurse lui donnait un biberon toutes les deux heures au début, puis cela s’est espacé avec la prise de poids. Aujourd’hui, elle est pratiquement indépendante et commence à se rapprocher de ses parents, ça fait plaisir de voir ça. Maintenant il va falloir lui retirer la cage et le doudou, c’est une autre étape pour elle.
C’est une satisfaction je suppose quand ça se passe bien comme avec Calli ? Totalement, parce que quand je suis arrivé le matin, j’ai pensé qu’elle était morte quand je l’ai découverte seule sur le nid. La voir maintenant comme ça, c’est une grosse satisfaction. Sachant que c’est un groupe qu’on est en train de reconstituer et c’est un couple qu’on vient de reformer.
Avez-vous des individus qui ont battu des records de longévité ? On a eu une petite Tamarin lion qui a été dans le livre des records parce qu’elle a vécu 21 ans alors que la moyenne de vie est de 15 ans sur des petits singes comme ça. Il y a aussi Alice, une petite Cercopithèque de l’Hoest que j’ai vu naître ici et qui a 24 ans. Elle, c’est l’exception à la règle. Elle est complètement imprégnée, mais c’est une crème ! Elle a été élevée à la main et à l’époque on ne tenait pas compte de l’imprégnation. Elle commence à faire mamie mais elle est drôle. Quand on lui parle elle bouge la queue comme un chien, alors que ce n’est pas le propre de ces animaux. Elle répond aussi.
Elle est vraiment incroyable… Oui et pour prouver à quel point elle est gentille, quand on l’avait remise dans le groupe elle s’était fait mordre au pied. Elle avait besoin de points de suture. À l’époque sa nurse a certifié au vétérinaire qu’il n’était pas nécessaire de l’endormir. Pendant tous les soins, elle l’a tenue sous les bras, à n’importe quel moment Alice aurait pu la mordre, mais elle ne l’a pas fait. Elle a supporté 3 à 4 points sans aucune réaction agressive. Elle a juste serré la main de la nurse à des moments.
On sent que vous avez un réel attachement pour les singes ? Oui, sinon je n’aurais pas fait ce métier. Les primates ont des comportements proches des nôtres qui sont parfois troublants. Alice, quand je rentre avec elle l’hiver, elle m’attend sur le rocher et j’ai droit à des bisous et à des caresses. C’est surprenant. Alice, le jour où elle partira, ça fera mal.
Propos recueillis par Carine Fernandez
[caption id="attachment_4264" align="alignnone" width="630"] Janick, 25 ans ans de service au zoo de La Palmyre.[/caption]2016, le Zoo souffle ses 50 bougies Avec ses 25 années passées au service des animaux, Janick Fetard est un des plus anciens soigneurs du zoo de La Palmyre Un métier « sans routine » comme il le dit lui-même, rythmé par le nettoyage, la surveillance, les soins au besoin et les 4 repas journaliers des singes. Principalement issus d’Amérique du Sud ou d’Afrique, ces petits singes sont omnivores. Lorsque nous l’avons rencontré, Janik Fetard préparait la blédine de fin de matinée, sans gluten s’il vous plaît : « Ils sont comme nous, certains ne le tolèrent pas ».
Bio express - 1991 : Janik Fetard est embauché au zoo de La Palmyre - 7 avril 1992 : Naissance d’Alice femelle Cercopithèque de l’Hoest - 1993 : Janik Fetard intègre le secteur des singes - juin 2016 : Naissance de Calli femelle Callimico Goeldi, nourrie en nurserie
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