Découvrez L'Hebdo de Charente-Maritime en illimité pour 1€ seulement Découvrir les offres

Feuilleton de l'été : histoire de la Corderie Royale

Sport et Loisirs​. Tout bon rochefortais connaît la Corderie Royale, le joyau de l’Arsenal de Colbert. Mais son histoire reste pourtant relativement obscure. Cet été, l’Hebdo vous la fait découvrir à travers 5 épisodes.

Feuilleton de l'été : histoire de la Corderie Royale
La corderie Royale en 2015
Episode 1 : La naissance d'un monument Tout bon rochefortais connaît la Corderie Royale, le joyau de l’Arsenal de Colbert. Mais son histoire reste pourtant relativement obscure. Cet été, l’Hebdo vous la fait découvrir à travers 5 épisodes. [caption id="attachment_1472" align="alignnone" width="630"]La corderie Royale en 2015 La corderie Royale en 2015[/caption]

C’est l’un des symboles de la ville de Rochefort et certainement son monument le plus connu après l’Hermione. La Corderie Royale est le joyau de l’Arsenal, mais son histoire est assez méconnue du public. C’est pourquoi nous vous proposons de partir à la découverte de la Corderie depuis ses origines.

Tout commence au XVIIe siècle, alors qu’un jeune roi monte sur le trône de France. Louis XIV souhaite rivaliser avec les grandes puissances de l’époque, à savoir l’Espagne, l’Angleterre et les Pays-Bas. Pour cela, il va inciter l’État à s’intéresser à la Marine, à l’époque le parent pauvre de l’armée, mais aussi le fleuron des puissances voisines. Et pour développer sa flotte, le roi fait appel à Charles Colbert de Terron, le fameux Colbert qui a donné son nom à la cité de Rochefort (et à sa place centrale aujourd’hui). La mission de Colbert est simple : il doit trouver un lieu sur la façade atlantique, à mi-chemin de l’Angleterre et de l’Espagne, pour y installer un arsenal. Le choix se porte ainsi sur Rochefort, une petite seigneurie protestante située en amont d’un estuaire. La ville est retenue du fait de la configuration même de l’estuaire : avec les îles de Ré et d’Oléron au nord et au Sud, et l’île d’Aix au centre, un réseau de fortifications peut être mis en place pour dissuader tout envahisseur d’attaquer le futur arsenal. Et avec les multiples fortifications de la Charente, Rochefort est imprenable.

C’est pourtant ce même estuaire imprenable qui va mener l’arsenal de Rochefort à sa perte, des années plus tard. En attendant, l’arsenal y est installé. « Le désir de sa majesté est que l’on fasse de l’établissement de Rochefort le plus grand, le plus beau qu’il y ait dans le monde », écrit Colbert en 1666. C’est d’ailleurs à cette date que commence la construction d’un bâtiment le long du fleuve, en même temps que se développe la ville. Un long bâtiment de 374 mètres, construit sur un sol meuble et instable. La Corderie Royale était en train de naître.

Episode 2 : L'incroyable secret sous la corderie

Pour ce 2e épisode, nous vous emmenons à la découverte des fondations insolites de la Corderie Royale et de son chantier particulier.

[caption id="attachment_1473" align="alignnone" width="630"]Modèle du radier qui soutient la Corderie Royale. (© Coll. CIM-Yves Ronzier_YSR_5998) Modèle du radier qui soutient la Corderie Royale. (© Coll. CIM-Yves Ronzier_YSR_5998)[/caption]

Dans l'épisode 1, on se quittait avec le début du chantier de la Corderie Royale. Nous sommes donc en 1666, et les ingénieurs se trouvent face à un problème majeur. Si le site de la Corderie est parfait pour être défendu, son sol, lui, est instable. En effet, elle se trouve dans le lit de la Charente, constitué de vase, ce qui rend toute construction impossible. Il faut pouvoir s’appuyer sur un sol dur, et pour cela, des pieux sont envisagés pour soutenir le futur bâtiment. Les pieux descendent alors loin sous la terre et… ne toucheront jamais de sol dur.

Mais alors, comment la Corderie tient-elle encore aujourd’hui ? La solution est venue des Pays-Bas. Pour s’appuyer sur un sol dur, un immense radeau de chêne est immergé dans la vase pour soutenir la Corderie. Toutefois, cette solution pose un nouveau souci aux ouvriers : n’importe quelle construction sur un côté du radeau va le faire gîter. Il va donc falloir construire la Corderie partout en même temps, de manière symétrique, afin de répartir le poids équitablement entre les deux côtés du radeau.

Malgré ces problèmes techniques, il ne faudra qu’un peu plus d’un an aux ouvriers pour terminer la Corderie Royale, qui s’ouvre en 1667. Mais un nouveau souci se fait jour. En effet, la façade côté Charente est plus travaillée que celle qui fait face à la ville, c’est-à-dire que la façade Charente a plus de fenêtres, et donc est plus légère. Le bâtiment va donc commencer à tanguer vers la ville, ce qui va nécessiter la construction de contreforts qui soutenir l’ensemble.

La Corderie enfin achevée, c’est tout l’Arsenal qui va être créé. Les formes de radoub, les premières maçonnées d’Europe, vont être bâties en aval, et on assiste à la naissance de l’hôpital de la Marine, du magasin général d’économie et du Quai aux Vivres. Il ne reste donc plus qu’à se mettre au travail.

Mais à quoi ça sert, une Corderie ? La réponse dans l'épisode 3 !

Episode 3 : A quoi ça sert une corderie ?

Désormais construite et stable, la Corderie Royale peut enfin se mettre au travail. Mais quel travail, au juste ?

[caption id="attachment_1474" align="alignnone" width="630"]La machine qui sert à commettre les cordages. Il faut imaginer qu’elle courrait sur toute la longueur du bâtiment. La machine qui sert à commettre les cordages. Il faut imaginer qu’elle courrait sur toute la longueur du bâtiment.[/caption]

Comme son nom l’indique, une corderie sert à fabriquer des cordes. C’est évident, mais c’est surtout tout un art et tout un savoir-faire. Il s’agit en effet de convertir de la fibre végétale en cordages résistants, et le processus pour y parvenir est assez complexe.

Il commence par la récupération de la fibre végétale, en l’occurrence du chanvre, qui est utilisée pour la fabrication des fils de carret. Ces fibres, grossièrement nettoyées après leur production, arrivent à la Corderie où elles sont soigneusement peignées pour en éliminer toutes les impuretés et traces d’écorce qui pourraient rester. Une fois filée, la fibre est mise en bobines qui sont descendues au rez-de-chaussée. C’est là que le travail va commencer.

Les fils de carret ainsi obtenus sont noués entre eux pour créer le toron, un assemblage torsadé de fils de carret. Cette première corde est la base des cordages dans les navires. C’est en effet le toron qui sert à créer les cordages, et ce, grâce à une machine en trois parties qui va permettre de torsader les torons entre eux (ce qu’on nomme le commettage), de manière plus ou moins rapide et serrée, pour produire différents types de cordages. Ces mêmes cordages qui peuvent d’ailleurs être commis une nouvelle fois ensemble pour en tirer de plus gros, et donc plus résistants, notamment pour les câbles d’ancres. Ce processus réduit néanmoins le cordage : pour réaliser une corde de 200 mètres, il faut utiliser 300 mètres de torons. D’où la longueur de la Corderie Royale.

Le cordage est la base d’un navire. Il en supporte en général une quarantaine de kilomètres pour toutes ses manœuvres : c’est donc pour ça que la Corderie Royale devient un atout stratégique majeur pour le royaume, d’où les importants moyens de défense mis en place le long de l’estuaire.

Mais après 200 ans de bons et loyaux (et royaux) services, la Corderie Royale va fermer ses portes. La technologie des bateaux à moteur et à vapeur, et surtout l’arrivée du câble métallique, vont en effet faire décliner son activité.

Episode 4 : Le déclin avant l'embellie

La Corderie Royale ouvre donc ses portes en 1669 et produit des cordages pour la Marine française. L’activité va finir par décliner, aboutissant même à la destruction du bâtiment près de 300 ans plus tard.

[caption id="attachment_1475" align="alignnone" width="630"]La Corderie Royale en ruines après le départ des troupes allemandes. Sur la photo, les travaux de déblaiement ont déjà commencé. La Corderie Royale en ruines après le départ des troupes allemandes. Sur la photo, les travaux de déblaiement ont déjà commencé.[/caption]

Pendant deux siècles, la Corderie Royale va produire des cordages pour les navires français. La Corderie atteint même son apogée au XVIIIe siècle, une période de combats en Europe et au-delà, aux États-Unis en train de naître.

La position si stratégique de Rochefort va pourtant mener l’Arsenal à sa perte. En effet, la Charente ne peut pas accueillir les navires de plus en plus gros de la Marine, ce qui va forcer l’État à délaisser Rochefort au profit de Brest et Toulon. La ville va pourtant rester un laboratoire d’études pour l’amélioration de la navigation et des navires, notamment au XIXe siècle avec la mécanisation et la motorisation de la production.

Ces révolutions ne suffisent pas, et en 1867, l’État décide de fermer la Corderie Royale. Va alors commencer une longue période d’errance pour le site, qui sera reconverti en zone de stockage et en entrepôts. Le bâtiment sera même coupé en deux pour laisser passer une ligne de chemin de fer dans sa partie Nord. Cette histoire, oubliée par les Rochefortais, va pourtant prendre fin en 1927. L’Arsenal est alors définitivement fermé.

C’est la Seconde Guerre mondiale qui va remettre le site en avant, malheureusement pour des actes dramatiques. La Corderie, laissée à l’abandon, est alors occupée par les troupes allemandes. Puis, les Alliés gagnent du terrain à la fin de la guerre, forçant les nazis à quitter Rochefort. Ceux-ci auraient alors piégé l’Arsenal et incendié la Corderie, peut-être pour détruire des éléments restés sur place. Rien n’est certain, mais en l’absence de sources contradictoires, l’histoire retiendra cette version. On se retrouve alors en 1945 avec une Corderie dévastée, une ruine qui est abandonnée et qui sombre peu à peu dans l’oubli et la végétation.

Jusqu’à l’arrivée de l’amiral Maurice Dupont dans les années 1960.

Episode 5 : la renaissance d'un monument

Une corderie en ruines, une ville pas vraiment mieux lotie… L’après-guerre a des conséquences terribles pour Rochefort, cet ancien fleuron royal. Deux hommes vont pourtant tout changer.

[caption id="attachment_1476" align="alignnone" width="630"]La renaissance du monument a accompagné celle de la ville. ©Coll. CIM, photo E. Lopez La renaissance du monument a accompagné celle de la ville. ©Coll. CIM, photo E. Lopez[/caption]

Il s’appelle Maurice Dupont. C’est un amiral, commandant de la Marine à Rochefort et surtout, c’est un passionné d’histoire. C’est cet amiral qui va s’intéresser de près à cette étrange bâtisse abandonnée dans la végétation, oubliée des Rochefortais. En découvrant l’histoire de la Corderie Royale, il va alors mobiliser des moyens conséquents pour nettoyer le site. Nous sommes dans les années 1960, et Rochefort redécouvre son Arsenal.

En 1967, une démarche de classement de la Corderie aux Monuments Historiques est enclenchée avec succès. Le site désormais protégé, il faut savoir quoi en faire. Va alors arriver le second homme clé de l’histoire moderne de la corderie : Jean-Louis Frot. En signant un contrat Ville moyenne avec l’État dans les années 1970, le maire d’alors lance un vaste projet de reconquête de l’Arsenal et entame la reconstruction de la corderie. C’est la renaissance d’un monument, joyau de Rochefort.

Et pour faire vivre ce joyau, le bâtiment tout juste rénové accueille dès les années 1980 les sièges sociaux nationaux du Conservatoire du Littoral et de la LPO (aujourd’hui aux Fonderies). Le rez-de-chaussée est divisé en plusieurs sections : un espace d’interprétation géré par le Centre International de la Mer (arrivé en 1985), la Chambre de Commerce et d’Industrie dans la partie Nord (qui va reconstruire cette section de corderie), et au centre la médiathèque municipale pour faire venir les rochefortais. Pour couronner le tout, les jardins sont aménagés à la française pour fournir un écrin au site.

Aujourd’hui, 50 ans après le début de la reconstruction, 300 personnes travaillent quotidiennement à la Corderie Royale. Passée d’un bâtiment purement fonctionnel à une ruine, puis à un monument historique, la Corderie fait aujourd’hui, avec l’Hermione, l’identité de Rochefort.

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

Feuilleton de l'été : histoire de la Corderie Royale