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Néré : Roland a côtoyé les plus grands du cinéma

Sport et Loisirs​. Il a côtoyé les plus grands noms du cinéma français… dans l’ombre. Aujourd’hui, voici Roland Gautherin en pleine lumière. Portrait.

Néré : Roland a côtoyé les plus grands du cinéma
Roland Gautherin était spécialiste des effets spéciaux.
[caption id="attachment_2849" align="alignnone" width="630"]Roland Gautherin était spécialiste des effets spéciaux. Roland Gautherin était spécialiste des effets spéciaux.[/caption]

Il a côtoyé les plus grands noms du cinéma français… dans l’ombre. Aujourd’hui, voici Roland Gautherin en pleine lumière. Portrait.

Roland Gautherin habite une longère qu’il a lui-même construite à partir d’une bergerie en ruine. De ses mains. Bricoleur habile, travaillant tous les matériaux, il a aussi creusé le puits et la piscine.

Ici tout est calme, sur 360° on ne voit que des bois et des champs. Lui qui n’a connu que les agitations des plateaux, la nervosité des premiers tours de manivelle, les caprices des stars et les voyages incessants sans avoir le temps de visiter. A 80 ans, Roland Gautherin a accepté de parler de son métier qu’il a tant aimé : technicien de cinéma et plus précisément spécialiste des effets spéciaux. Autrement dit, celui qui invente des trucages. Sans doute est-il l’héritier de l’inventeur du fameux trucage de l’arrivée du train en gare de la Ciotat qui fit si peur aux spectateurs qu’ils s’enfuirent de la salle de projection en 1895.

Il était une fois un jeune conscrit démobilisé de la guerre d’Algérie devenu balayeur des rues de Paris. Nous sommes en 1962 dans le quartier des Halles, juché sur sa machine il nettoie à grande eau les caniveaux de la capitale. Tôt le matin dans la lumière grise et blafarde de la ville encore vide, des projecteurs illuminent une scène de tournage de film. On lui demande d’arroser pour faire de la pluie et un type lui propose de travailler avec lui. Roland Gautherin est fonctionnaire mais il plaque sa balayeuse et part pour la vie de saltimbanque et l’incertitude de la vie d’intermittent. C’était les trente glorieuses et le début de la nouvelle vague : Chabrol, Godart, Truffaut et Rohmer faisaient rêver les Français au cinéma.

De Funès, Carmet, Reno et les autres Habile, astucieux, bon soudeur et excellent mécanicien, Roland devient vite indispensable sur les tournages : « J’avais des contrats de quelques semaines à plusieurs mois et ça me convenait parfaitement » dit-il calmement. Le bouche-à-oreille des chefs-opérateurs permettait de trouver du travail. Roland a exercé ses talents sur les films de Louis de Funès, notamment “Les Grandes Vacances” ou “Le Petit Baigneur” dans lequel un hors-bord coupe en deux un pédalo : « C’est moi qui ai conçu le système et beaucoup d’autres encore dont je ne me souviens plus tant il y avait de gags dans ce genre de films ». Il montre une photo où l’on voit un bus coupé en deux au niveau de la cabine pour y installer la caméra : « J’avais fabriqué un petit trou pour permettre au chauffeur de conduire et ainsi tout l’intérieur du car pouvait être filmé. » Il fallait travailler vite car les journées de tournages coûtent très cher, « on nous mettait la pression constamment. Parfois on n’avait pas le temps de faire connaissance alors qu’il y avait des gens biens », Roland sourit en songeant à ces rencontres humaines qui marquent une vie. « Sur le tournage de “Dupont la joie” de Yves Boisset, j’ai fait la connaissance de Jean Carmet, un homme adorable que je n’oublierai jamais ». Il y eut aussi Jean-François Stevenin, « un type formidable qui est devenu un copain ». Une photo argentique les montre en train de rire à gorge déployée.

Il faut laisser à Roland le temps de rassembler ses souvenirs : « L’ambiance était parfois tendue comme avec Gérard Depardieu sur “Rive-Droite Rive-Gauche” ou “Le Colonel Chabert” ». Une galerie de portraits défile devant les yeux avec les photos de ceux qu’il appelle « les gentils » : Michel Blanc, Gérard Klein, Daniel Prévost, Charlotte Gainsbourg ou Christophe Malavoye.

Même s’il ne se souvient pas des films, on peut le comprendre, il n’oublie pas les sourires, les sandwichs mangés sur le pouce, les coups à boire avec les acteurs et les techniciens, bref des relations humaines. Des grandes célébrités, en a-t-il croisé ? « Je ne me souviens pas de toutes, dit-il en riant. Ah, si Charles Trenet sur la pub Wizard ou Brigitte Bardot pour une marque de jeans, je crois ! » Rien que ça… L’un de ses préférés c’est Patrick Bruel : « un type bien » rencontré sur le film “Le Jaguar”. Une photo les montre bras-dessus bras-dessous. Quand on lui demande s’il y avait des “moins gentils”, Roland essaie de ne pas répondre, c’est sans doute cela la bonté, tout au plus accepte-t-il de dire que « Catherine Deneuve, rencontrée sur “Le Lieu du crime de Téchiné”, est timide et Jean Réno plutôt réservé ». Tiens, tiens.

Roland parle de son métier avec passion même si parfois « on travaillait en prenant des risques incroyables pour quelques minutes de tournage ». Des tournages difficiles ? « Oh oui, “Mission” de Joffé, “Dien-Bien-Phu” de Shoenforffer pas facile ». On n’en saura pas plus.

Quel est votre plus beau souvenir de tournage ? « “La nuit des Généraux” de Anatol Litvak en 1967 avec Peter O’Tool, quel charisme, et Omar Charif ». Une anecdote de tournage ? « Oh oui, ça manque pas : un jour, je ne me souviens plus pour quel film, j’avais réglé un peu fort les détonateurs de la poche de sang sous le pull de l’actrice qui devait se faire tirer dessus. L’explosion a fait gicler le faux sang un peu partout et la comédienne était complètement paniquée. Elle a cru mourir pour de vrai… » Il en rit encore. Des regrets ? « Certainement pas. On bossait dur et constamment dans l’urgence. Il fallait que le boulot soit parfait. Pour mon dernier film, “Le Peuple migrateur” de Jacques Perrin, on sentait bien que ça allait être un beau film ! J’ai eu une belle vie faite de merveilleuses rencontres. Quelques temps après ma retraite en 2002 je crois, on m’a appelé sur le film de Roshdi Zem, “Le Raid” ». On devine que ça lui a fait plaisir. En tournant sans le savoir quelques chefs-d’œuvre, à l’époque où la place de cinéma valait cinq francs, Roland Gautherin avec ses trucages et ses effets spéciaux nous a émus en nous faisant pleurer, rire et rêver

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