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Tournage : F.-X. Pelletier de retour du Pakistan

Actualités​. Le Saturninois, F.-X. Pelletier, de retour du Pakistan, partage à nouveau avec nous son périple, cette fois-ci auprès du peuple Kalash. Ce chercheur, ethnologue et réalisateur ramène un nouveau documentaire dans ses bagages qui sera diffusé à la fin de l’année sur Ushuaïa TV.

Tournage : F.-X. Pelletier de retour du Pakistan
[caption id="attachment_1310" align="alignnone" width="630"]Les Pakistanais viennent voir danser les femmes. Les Pakistanais viennent voir danser les femmes.[/caption]

Le Saturninois, François-Xavier Pelletier, de retour du Pakistan, partage à nouveau avec nous son périple, cette fois-ci auprès du peuple Kalash. Ce chercheur, ethnologue et réalisateur ramène un nouveau documentaire dans ses bagages qui sera diffusé à la fin de l’année sur Ushuaïa TV*, dans lequel il fait la part belle à ce peuple descendant de l’armée d’Alexandre le Grand.

C’est à 5 km de la frontière Afghane, à 4 700 m d’altitude aux pieds de l’Hindukush, que François-Xavier Pelletier a posé son sac-à-dos et sa caméra durant un mois. Ce n’est pas la première fois que l’ethnologue rencontrait le peuple Kalash : « C’est le 3e voyage que je fais là-bas. J’y suis allé aussi en 1994, en plein hiver, avec Catherine (Ndlr, Lacroix-Pelletier, son épouse et collaboratrice), puis en 2006. Et je voulais absolument y retourner pour la fête du Joshi, qui est la fête du printemps. »

Les Kalash sont actuellement 4 500 et vivent dans trois vallées très difficiles d’accès. « Ce sont des irréductibles, explique FX Pelletier, qui préservent encore leurs traditions alors qu’ils sont encerclés par le monde musulman qui devient de plus en plus intégriste car il s’engage dans un prosélytisme de plus en plus prononcé ». Peuple monothéiste, les Kalash croient en un dieu qu’ils appellent Khodai, « mais ils ont été considérés comme polythéistes par beaucoup de voyageurs ce qui leur a valu des problèmes avec les musulmans qui les appellent Kafir, c’est-à-dire les infidèles. »

Des indices troublants Cette communauté pastorale porte haut et fort ses traditions et pas n’importe lesquelles car elle serait descendante des déserteurs de l’armée d’Alexandre Le Grand. Dans les recherches faites par Catherine Lacroix-Pelletier et FX Pelletier, des indices troublants mettent sur cette voie comme le fait qu’ils fabriquent du fromage et cultivent la vigne dont ils consomment le vin. Les femmes portent aussi cette descendance sur leurs vêtements traditionnels, comme sur leurs coiffes « ornées de cauris, coquillages qui symbolisent la fécondité ». Mais pas seulement : « Leur langue natale, d’origine distinctement indo-européenne, comporte de forts éléments grecs et sanscrits. Même s’ils sont monothéistes, leurs croyances et pratiques religieuses partagent de fortes similarités avec le polythéisme de la Grèce antique. Diverses déités locales ayant une forte ressemblance avec Zeus, Dionysos, Apollon et Aphrodite sont encore vénérés dans leurs rites et coutumes aujourd’hui ».

Une lignée qui ne fait pas forcément l’unanimité mais qui semble être avérée par les Kalash eux-mêmes : « Des personnes ont dit que c’était faux, mais le Devar (Ndlr, chaman) appelé Khonawas, dernier père de la tradition qui est décédé le jour où je suis arrivé, est remonté à la tradition Kalash orale et pour lui ce sont bien leurs descendants. Beaucoup ont les yeux bleus et sont blonds. Ils résistent depuis ce temps-là, donc les musulmans respectent aussi leur tradition. »

[caption id="attachment_1311" align="alignnone" width="630"]Cette communauté pastorale vit dans les montagnes à la frontière avec l’Afghanistan. Cette communauté pastorale vit dans les montagnes à la frontière avec l’Afghanistan.[/caption]

Un périple à haut risque Si la pression de l’Islam est bien présente pour les Kalash, FX Pelletier explique qu’ils souffrent bien plus des musulmans Talibans qui ont été poussés par les armées occidentales suite à la guerre qui s’est déroulée en Afghanistan que des Pakistanais avec lesquels ils partagent leur quotidien : « Les Nouristanis ont traversé la frontière à cause de la guerre et posent énormément de problèmes. Al-Quaïda a demandé dans une vidéo de tuer tous les Kalash qui ne se convertissent pas à l’Islam, ainsi que tous les étrangers qui les aident. » Des Nouristanis, « pourtant anciens Kalash » qui ont ainsi la “permission “de commettre des exactions en territoire Kalash : « Ils ont investi un de leurs hauts-pâturages et l’année dernière, ils ont assassiné dans des conditions terribles un jeune berger et lui ont volé tout son bétail. Ils ont aussi kidnappé un Grec qui travaillait avec les Kalash. Ça devient très chaud de voyager dans ces régions-là. »

En raison de la présence des Nouristanis, depuis deux ans l’armée pakistanaise est très présente dans les montagnes occupées par les Kalash. FX Pelletier a donc dû montrer patte blanche pour réaliser son documentaire : « J’ai été obligé d’obtenir un document spécial appelé NOC, “non-objection certificate”, donné après enquête. J’avais aussi un garde du corps pakistanais armé d’une kalachnikov avec moi durant tout le voyage. »

Un handicap, certes, pour s’intégrer dans le quotidien du peuple Kalash, comme le fait FX Pelletier à chacun de ses voyages, mais nécessaire face à ce périple qui s’est avéré à haut risque : « Je vivais avec une famille qui au début voulait imposer un garde-du-corps Kalash, mais finalement ils ont fini par adopter celui qui m’accompagnait parce qu’il était très sympa. J’avais aussi un assistant Sohaib, musulman de Chitral ». Cette ville est la principale du district éponyme situé dans la province de Khyber Pakhtunkhwa au nord du Pakistan, et donc près de la frontière afghane.

Une confrontation à l’Islam qui est difficile à vivre chaque jour pour les Kalash, « un peuple dans lequel les femmes sont très libres, elles ne sont pas voilées, elles ont un rôle très important dans leur société » (lire encadré). Ce peuple vit aussi différemment sa religion. Les Kalash ne prient qu’à l’occasion de l’organisation de cérémonies qui durent 3 jours, comme celle du Joshi que FX Pelletier a filmé : « Leurs fêtes sont faites de sacrifices et de danses, c’est très fort. Des touristes pakistanais viennent y assister, notamment aux danses des femmes ». Seule une partie de ces célébrations est laissée à voir aux touristes, également friands du vin Kalash. Des rassemblements plus intimes sont organisés uniquement pour les membres de la communauté dans les montagnes : « Ils se protègent de cette façon et les vraies cérémonies religieuses se passent là-haut. »

Carine Fernandez

* “Irréductibles Kalash “— documentaire — Diffuseurs : Ushuaia TV et TV 8 Mont Blanc — Production : Tandem Image.

[caption id="attachment_1312" align="alignnone" width="630"]Développer l’école est un projet des Kalash. Développer l’école est un projet des Kalash.[/caption]

« Société en voie de disparition » Malgré la résistance effective des Kalash, FX Pelletier met en garde : « Cette société est en voie de disparition ». Encore une, l’ethnologue et réalisateur poursuivant cette mise en lumière des peuples menacés par les modes de fonctionnement invasifs des autres sociétés. FX Pelletier fustige l’accès à l’argent qui corrompt certains Kalash, ainsi que les ONG : « Certaines ont voulu les aider mais avec l’idée de la lutte contre les musulmans, alors qu’en fait ils sont très bien acceptés par les Pakistanais. » Tout ceci a créé des conflits qui scindent ce peuple : « La raison pour laquelle ils sont restés irréductibles pendant des siècles et des siècles, c’est qu’ils représentent une communauté extrêmement soudée. Les ONG, non pas en montant des projets mais en distribuant de l’argent, ont créé cette dissension. Les Kasi, qui représentent la tradition, sont aujourd’hui totalement décriés par le reste des Kalash, car ils sont corrompus. Les Kalash en ont conscience et ils en souffrent. »

[caption id="attachment_1313" align="alignnone" width="630"]Montagnes et verdures composent le paysage du Pakistan. Montagnes et verdures composent le paysage du Pakistan.[/caption]

« Gardiens de la préservation de la nature » Au-delà du documentaire, FX Pelletier revient aussi avec un projet de soutien à ce peuple Kalash, comme il le fait à chacun de ses contacts avec ces ethnies menacées. Un projet de préservation de la culture qui pourrait passer par l’aide au développement de leur école, cher aux Kalash. Cela permettrait aux enfants de suivre toute leur scolarité dans un établissement Kalash, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : « À partir d’un certain âge, ils vont dans une école d’État dans laquelle le prosélytisme est très fort. 50 % du temps de l’enseignement est tourné vers l’Islam ».

Ce peuple est aussi très proche de la nature : « Les Kalash sont les gardiens de la préservation de la nature ». Même leur électricité s’obtient de manière hydraulique en gérant des canaux : « Ils redirigent une partie de l’eau qui va vers des turbines ».

Mais la déforestation massive met en péril leur mode de vie et donc l’avenir de leur société : « Même certains Kalash y participent pour gagner de l’argent », déplore FX Pelletier. Cette déforestation entraîne des glissements de terrains, des inondations et la disparition des arbres fruitiers qui nourrissent les Kalash.

De plus, incités par des entreprises, les Kalash utilisent des pesticides pour leurs cultures, avec pour conséquence la disparition des abeilles alors qu’elles faisaient partie intégrante de leur vie : « Dans les murs des maisons ils ont des habitations à abeille en bois, dans lesquelles les abeilles peuvent s’installer. Ils ont une intelligence de la nature qui n’a jamais été montrée par les ethnologues ».

« On a sous les yeux le déclin des Kalash à cause de l’introduction d’un système économique et de l’exploitation des ressources naturelles », résume FX Pelletier. Une situation que l’ethnologue a découverte au Pakistan, mais pour ceux qui connaissent ses précédents documentaires qu’il a réalisés au Brésil ou encore en Thaïlande, l’histoire des Kalash fait écho à celles de ces peuples avalés par notre civilisation. Une assimilation ethnique qui se répète inlassablement. Une prise de conscience massive est nécessaire pour contrecarrer la fin qui semble aujourd’hui inéluctable des Kalash… et des autres.

[caption id="attachment_1308" align="alignnone" width="630"]Les femmes Kalash maintiennent  les traditions. (photos © FX Pelletier) Les femmes Kalash maintiennent les traditions. (photos © FX Pelletier)[/caption]

Les femmes Kalash « Les femmes Kalash maintiennent avec le plus d’acharnement les traditions de leur peuple, en portant notamment chaque jour la longue robe brodée, les lourds colliers et les deux coiffes usuelles : la shushut et la kupas. Il s’agit là du signe extérieur le plus remarquable de l’identité kalash, tandis que les hommes, ayant abandonné les pantalons courts et les vestes en laine, s’habillent désormais comme n’importe quel Pakistanais en shalwarkamiz. Les femmes ont le sens de la fécondité. Ce sont elles qui changeront ce vaste monde. »

[caption id="attachment_1309" align="alignnone" width="630"]Les hommes s’habillent comme n’importe quel Pakistanais. Les hommes s’habillent comme n’importe quel Pakistanais.[/caption]

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